Note d’intention
La mastication des morts, c’est un texte impressionniste, un puzzle ludique où se révèle petit à petit, au sens photographique du terme, le village de Moret sur Raguse, village imaginaire qui pourrait être tous les villages de France.
Cette révélation se fait du point de vue du cimetière, où les résidents, les morts, tout ce petit monde de l’ombre, prend la parole pour râler, invectiver, mastiquer, ruminer, raconter sa vie ou les circonstances de sa mort.
Les pièces du puzzle se mettent en place.
La petite histoire raconte la grande.
C’est drôle, touchant, effrayant, insolent.
Et ça nous rappelle tout simplement, avec distance et humour que la mort, c’est la vie…
Il y a un peu plus de 20 ans, j’ai découvert ce texte de Patrick Kermann et, comme cela arrive rarement, j’ai eu un véritable coup de foudre pour ce texte et une évidence qu’il fallait le monter tout de suite.
J’ai donc mis en scène ce spectacle avec une vingtaine d’actrices et acteurs amateurs. Ce fut une très belle aventure pour toute l’équipe et un joli succès public.
Alors pourquoi vouloir le remettre en scène plus de 20 ans plus tard ?
Tout simplement parce que la rencontre avec la Carrière de Fégréac permet d’en faire une lecture et une aventure totalement différentes.
Remonter ce texte sur un plateau de théâtre n’aurait pas eu de sens pour moi.
Mais imaginer ces prises de parole dans ce magnifique site de la Carrière m’est apparu comme une évidence.
De plus, les ingrédients qui font la patte de la Carrière pourront être une nouvelle fois mis en œuvre :
- Le spectacle sera déambulatoire et on découvrira, au fil des haltes, les personnages de ce cimetière qui pourront apparaître puis se fondre dans le décor naturel, qui dans les bois bordant le chemin emprunté, qui dans les ruines de l’usine, qui dans l’étang ou les restes de décors des années passées…
- Un repas sera servi dans la soirée.
- Et forts de l’expérience de la Carrière en goguette, des chansons se glisseront dans le texte de Patrick Kermann.
Un des personnages principaux de cette soirée sera l’accordéon de Wenceslas Hervieux, metteur en musique de la goguette de 2022, qui accompagnera les chants mais sera aussi le fil rouge, ponctuant, soulignant, ambiançant les prises de paroles.
Le texte de Patrick Kermann, sous-titré Oratorio in progress, est lui–même très musical. Son écriture particulière, parfois bloc sans ponctuation du tout, parfois suivant une géographie précise, est un réel défi et plaisir à mettre en bouche, à mastiquer, à « mettre en musique parlée ».
Il faut trouver le souffle, le rythme à l’intérieur de chaque monologue.
C’est enfin un vrai plaisir de metteur en scène car tout est envisageable, d’autant plus avec cette formidable équipe de la Carrière.
Loïc Auffret, novembre 2022.